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Un pacte productifpour redresser la barre ?

La nouvelle initiative gouvernementale, le pacte productif, pour redonner un souffle aux acteurs économiques, trouve un écho favorable dans la profession, notamment la coopération agricole, prête à relever le défi. Par Hélène Laurandel

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C’est un discours plutôt convaincant qu’a tenu le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, en clôture de la réunion à Bercy du 15 octobre, pour présenter le diagnostic du système productif français et, surtout, dévoiler les grandes orientations du pacte productif (1).

Annoncé par le président de la République le 25 avril 2019, le pacte productif vise à atteindre le plein-emploi d’ici à 2025, en relançant notamment la production industrielle et agricole et l’innovation technologique. Ainsi, il est question de faire évoluer la part du PIB industriel et agricole dans le PIB national de 13,5 % à 15 % en 2025, et 20 % à l’horizon 2030. Si les activités agricoles et agroalimentaires veulent garder leur place, leur contribution au PIB national doit passer de 3,8 % à 4,5 % en 2025 et 6 % en 2030. Ces objectifs sont tenus dans un contexte de constat d’un décrochage de l’industrie, et plus particulièrement du secteur agricole et agroalimentaire.

Un déficit agricole historique

Après six années consécutives de baisse des prix, l’industrie agroalimentaire enregistre ainsi en 2018 les plus mauvais résultats de son histoire (voir infographie) : une balance commerciale négative pour la première fois avec l’UE ou encore un taux de marge au plus bas depuis quarante ans. Coût du travail élevé, manque d’investissement, offre insuffisamment adaptée aux demandes des marchés internationaux avec des importations augmentant plus vite que les exportations, relations commerciales déséquilibrées avec la grande distribution, surréglementation, difficultés de recrutement (21 000 emplois non pourvus) sont autant d’explications mises en avant par les professionnels.

Cinq orientations majeures

Toutefois, les allégements de charges consentis par le gouvernement sont en train de changer la donne, notamment pour les salaires relevant du Smic qui bénéficient d’une nouvelle phase de baisse depuis le 1er octobre. Aujourd’hui, la bataille se joue plutôt sur les impôts à la production qui représentent 3,3 % du PIB en France en 2018, soit deux fois plus que la moyenne de l’UE et sept fois plus que l’Allemagne.

Pour pallier les défaillances de la maison France et renouer avec la croissance en lançant une nouvelle dynamique, Bruno Le Maire a présenté un plan décliné en cinq objectifs principaux : atteindre le zéro carbone en 2050, diviser par deux le nombre d’emplois non pourvus en 2025 (100 000 au lieu de 200 000), devenir une économie de rupture technologique, relancer la compétitivité des entreprises par une baisse massive des impôts de production et acter une décentralisation plus poussée en matière de développement économique avec des stratégies de compétitivité régionales. Pour étayer ces orientations, deux études ont été préalablement lancées : l’une sur l’analyse d’une cinquantaine de marchés pour identifier les plus porteurs à l’horizon 2025, l’autre sur les besoins et l’offre de compétences sur un plan national et en région. Parmi les marchés analysés, on retrouve les biocarburants, l’agriculture de précision et l’agroéquipement « dont les verrous sont essentiellement financiers en raison d’investissements importants », relate Alain Chagnaud, associé chez Roland Berger, en charge de cette étude. L’agroéquipement est d’ailleurs considéré par le ministre de l’Économie comme une chaîne de valeur stratégique « pas encore assez mature à ce jour, mais absolument incontournable à l’horizon 2030 pour réduire massivement l’usage de pesticides ». Et pour Didier Guillaume, le ministre de l’Agriculture, il est impératif de « se lancer dans une filière agroéquipement la plus structurée possible ».

Six mois de concertation à venir

Ces orientations vont faire l’objet, dans les six mois, d’un travail de concertation avec les chefs d’entreprise, les responsables syndicaux, les collectivités et les maires de France. Les premières décisions seront actées dans le projet de loi de finances 2021, « sous réserve de la solidité du financement de la baisse des impôts de production », a souligné Bruno Le Maire.

Souhaitant mettre tout le pays dans la boucle, le gouvernement a lancé également une consultation publique en ligne, le jour même de la réunion à Bercy. Et un Conseil de l’innovation renforcé va évaluer les chaînes de valeur stratégiques.

Toute cette dynamique aboutira à une présentation par Emmanuel Macron de la stratégie collective à mettre en place pour remplir son objectif de plein-emploi en 2025. Une loi Pacte 2 pourrait voir le jour, si nécessaire, à l’automne 2020 avec des dispositions fiscales déclinées dans le PLF 2021.

Des ministres convaincus par la cause agricole

Est-ce que ce pacte productif va permettre de redresser la barre et d’apporter un nouveau souffle ? Les professionnels souhaitent y croire, à l’image de Dominique Chargé, président de Coop de France (lire p. 6). « À Bercy, le ministre de l’Agriculture a bien communiqué sur les éléments de diagnostic et sur notre volonté de préserver notre place. Nous serons acteurs de ce pacte productif. Les territoires, l’agriculture et l’agroalimentaire en ont besoin. »

De plus, à entendre Didier Guillaume et Bruno Le Maire, le secteur leur tient à cœur. « L’agriculture et l’agroalimentaire jouent un rôle pivot dans le pacte productif » pour le premier, et « la production industrielle comme la production agricole font partie du plus profond de nous-mêmes, de notre culture », pour le second, reconnaissant toutefois que « la résistance sociale est forte. Le choix d’une nation de production industrielle et agricole doit être fait collectivement. Il est à conjuguer avec l’acceptabilité sociale des exploitations agricoles et des usines. Ce qui suppose que notre production soit propre et décarbonée. » Reste à souhaiter que le fossé ne soit pas trop grand entre les intentions et les concrétisations.

(1) La vidéo de cet évènement Pacte productif est disponible sur le site www.economie.gouv.fr, depuis le module dédié à cette initiative.

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